Dire adieu à ses bureaux pour faire des économies : vraie ou fausse bonne idée ?

« Télétravail ». Un mot qui résonne dans toutes les conversations depuis un an, et qui est soudainement devenu la norme pour près de cinq millions de collaborateurs français. Et alors qu’une partie d’entre eux reprend prudemment le chemin du bureau, d’autres peuvent définitivement ranger badge et pass Navigo. En effet, quelques dirigeants audacieux prennent la décision de rejoindre le mouvement des entreprises 100% nomades. Travailler de partout, simplement équipé d’un ordinateur et d’un smartphone, c’est possible ? 

Une tendance amorcée par des start-ups comme Buffer et Basecamp aux Etats-Unis, ou encore Fizzer en France, et qui séduit de plus en plus d’organisations. Dans le pays du présentéisme, tout miser sur le télétravail ou le coworking est une décision qui fait débat. Un choix radical souvent justifié par l’envie, ou le besoin, de réaliser des économies. Mais est-ce vraiment le cas ? Décryptage.

Immobilier d’entreprise : la fin du Tétris

Le loyer, l’exploitation et les frais généraux liés à l’entretien d’un bureau sont parmi les dépenses les plus élevées de toute entreprise, quelle que soit sa taille. Au-delà du loyer, il faut ajouter le coût de l’aménagement de départ (en moyenne, 500 euros/m2 la première année), le dépôt de garantie (3 à 6 mois de loyer), les frais de fonctionnement (en moyenne, 100€/m2/an), d’éventuelles pénalités de sortie de bail,…

En deuxième position après les ressources humaines, les bureaux représentent donc, en moyenne, 10 à 20% des coûts liés au personnel. Longtemps, les organisations ont cherché à faire des économies en abordant la question d’un point de vue logistique : comment faire tenir le maximum d’employés dans un minimum d’espace ? Combien de bureaux équipés d’un ordinateur et d’un téléphone peut-on faire tenir au mètre-carré ?

Aujourd’hui, l’optimisation de l’espace est passée au second plan. Les bureaux sont davantage perçus comme une vitrine de la culture d’entreprise. Entre machine à café dernier cri, baby-foot et mobilier design, l’attention portée à l’environnement et la qualité de vie au travail n’a cessé de croître. Des plus colorés aux plus minimalistes, ils donnent le ton, véhiculent l’état d’esprit des personnes qui y travaillent et constituent un argument de recrutement. Y renoncer pour faire des économies, c’est devoir trouver une nouvelle manière de faire vivre cette culture et d’y faire adhérer les collaborateurs.

Le challenge ? Inventer de nouvelles manières de travailler ensemble

Selon Global Workplace Analytics, chaque employé à distance la moitié de la semaine permettrait aux entreprises d’économiser environ 11 000 dollars par an. Se passer de bureaux permet des économies, certes, mais entraîne également de nouvelles formes de dépenses. Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme. En effet, toutes les entreprises qui ont fait le choix de passer à une organisation nomade s’accordent sur un point : le téléphone ne suffit pas, le télétravail ne fonctionne que si les collaborateurs ont la possibilité de se retrouver physiquement, de manière régulière. Autant pour nouer des liens, que challenger les projets existants ou en lancer de nouveaux. Pour les 700 employés de WordPress – dont plus de 500 en télétravail dispersés à travers 40 pays – une à trois rencontres sont organisées chaque année, dans un nouveau pays, et aux frais de l’entreprise. Trains, avions, taxis, hôtels, restaurants… autant de dépenses qui font gonfler la note. Les économies restent importantes, et sans commune mesure avec la location de bureaux dans une grande ville, mais gare à ne pas les surestimer.

Matt Mullenweg, PDG de WordPress, soutient également que la flexibilité offerte par le télétravail conduit à davantage de créativité et de productivité. Comment ? Par la diversité des profils que l’on peut recruter. En effet, sans bureau physique, les organisations accèdent à de nouveaux bassins de talents. Il devient enfin possible d’engager cette brillante Directrice Artistique finlandaise repérée sur LinkedIn, et même de convaincre votre ingénieur rock-star de continuer à travailler pour vous malgré son déménagement dans les montagnes alpines !

Bref, l’organisation nomade permet à n’importe quel collaborateur équipé d’un ordinateur et d’un smartphone de faire partie de vos équipes. Pour l’entreprise, cette disparition des contraintes physiques est une manière d’encourager la créativité et l’innovation, et donc la compétitivité.

Smartphone performant et chaise confortable : repenser les équipements et les conditions de travail

Au-delà de l’aspect culturel, un bureau offre également les équipements et les ressources nécessaires à l’exécution des tâches. Téléphones, ordinateurs, salles de réunion,… Il permet une collaboration facile et une communication efficace en cas de besoin. Alors avant de parler des nouvelles méthodes de travail qui accompagnent toute transformation vers une organisation nomade, tirer un trait sur ses mètres carrés nécessite avant de s’équiper correctement. Smartphones et ordinateurs performants, outils de visioconférence, casques audio : de quoi challenger le plus enthousiaste des DSI (et faire pâlir le Directeur Financier) !

Pour que le télétravail devienne la norme, les entreprises doivent offrir à leurs collaborateurs un confort de travail similaire à celui d’un bureau. Travailler avec une connexion internet saccadée et un téléphone dépassé, assis sur un tabouret de cuisine bancal, n’est pas une option. C’est pourquoi certaines entreprises choisissent d’offrir des places dans des espaces de coworking. Une alternative intéressante qui offre à la fois de meilleurs équipements, mais aussi la possibilité de retrouver un « esprit bureau » et des compagnons pour boire un café pendant les pauses.

L’immobilier a longtemps été considéré comme une dépense indispensable, un acquis. Dans un monde post-COVID, cette conviction est légitimement remise en question. « Au fil du temps, certaines organisations pourraient réduire leurs coûts immobiliers de 30%. Ceux qui passent à un modèle entièrement virtuel pourraient presque les éliminer« , affirme la dernière étude de McKinsey & Company.

La pandémie a contraint les entreprises et leurs collaborateurs à s’adapter. Encore aujourd’hui, les premiers poursuivent leurs efforts afin de fournir de meilleurs équipements : smartphone, ordinateurs, outils de visioconférence. Et les seconds développent de nouvelles formes de collaboration numérique avec une efficacité remarquable. Alors, combien d’organisations décideront de transformer l’essai ? Si se passer de bureaux offre bien des économies substantielles, c’est également un challenge organisationnel et culturel qui attend celles qui se lanceront dans l’aventure.

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